Considérée comme l’une des artistes les plus innovantes du groupe des impressionnistes, la peintre Berthe Morisot reste néanmoins plus méconnue du grand public que ses compères Manet, Degas ou Renoir. Plus d’un siècle après sa mort, le musée d’Orsay lui consacre une exposition retraçant son parcours et son œuvre, jusqu’au 22 septembre. Portrait d’une artiste qui s’est affranchie des codes et a gardé son indépendance tout au long de sa carrière.
Jeunesse et formation de l’artiste
Née à Bourges en 1841, la peintre est issue d’une famille bourgeoise. Son père Edmé était préfet, jusqu’à ce qu’il soit nommé à la cours des comptes en 1952, ce qui entraîne le déménagement de toute la famille à Paris. C’est la plus jeune de ses sœurs, Yves et Edma. Elle sera suivie d’un frère. Tout comme ses sœurs, elle reçoit une éducation faisant la part belle à l’art, ce qui était très courant pour les jeunes filles de son époque. Berthe Morisot et ses sœurs apprennent alors le piano et le dessin. Edma et Berthe se distinguent rapidement auprès de leur professeur Joseph Guichard qui leur promet un bel avenir en tant que peintres professionnelles. Les jeunes filles s’orientent d’abord vers le paysagisme. Elles se rendaient régulièrement au Louvre pour copier les œuvres des grands peintres. Elles y font la connaissance de l’artiste Henri Fantin-Latour qui deviendra un grand ami de Berthe. Les deux jeunes Morisot s’intéressent particulièrement à la nouvelle innovation du moment, la peinture sur motif, c’est-à-dire en plein air. Guichard leur fait alors rencontrer celui qui aura une très grande influence sur la peinture de Berthe, le peintre Jean-Baptiste Corot. Ce dernier utilise des palettes claires et peint le paysage de manière très libre.
Berthe Morisot et sa sœur Edma exposent toutes les deux pour la première fois au Salon des Beaux-arts en 1864.
Les jeunes peintres font la rencontre de nombreux artistes lors de réceptions organisées par leurs parents, ou lorsqu’elles sont invitées à celles des familles des artistes Edgar Degas et Édouard Manet, appartenant au même milieu bourgeois et cultivé. Elles y rencontrent des écrivains ou artistes comme Émile Zola, Charles Baudelaire, et bien sûr, Édouard Manet qui deviendra un des grands amis de Berthe Morisot, ainsi que son professeur. Tandis que Berthe continue de fréquenter ce milieu artistique, Edma se marie en 1968, s’installe en Bretagne et arrête presque complètement la peinture.
Berthe, l’indépendante
Les toiles de Berthe Morisot sont d’abord très imprégnées du style d’Édouard Manet, mais elle finit par s’en libérer et s’en démarquer complètement en développant un style très personnel. Ils eurent une relation amicale teintée d’admiration réciproque durant de longues années. Berthe sera d’ailleurs de nombreuses fois le modèle des peintures de Manet, mais c’est son frère Eugène qu’elle finit par épouser en 1874. Ce dernier lui laissera toujours beaucoup de liberté et d’indépendance concernant la pratique de son art. Il ne s’offusquera jamais qu’elle signe ses œuvres de son nom de jeune fille. Ils eurent une fille, Julie, née en 1878, que Berthe représenta dans plusieurs de ses tableaux.
1874 est également l’année où elle fonde, en compagnie de Degas, Renoir, Pissaro et Monet, la Société anonyme des artistes peintres, sculpteurs et graveurs dont l’objectif est de permettre aux artistes du courant impressionniste d’exposer librement, car à l’époque il fallait passer par le salon officiel des Beaux-arts. Ils sont appelés le groupe des « Indépendants ». La première exposition a lieu en avril. Berthe Morisot est la seule femme y participant, ce qui est déjà en soi une source de critique à cette époque, tandis que l’impressionnisme lui-même défraie la chronique et choque l’opinion publique par son rejet des codes de l’art académique. L’œuvre de Berthe Morisot sera d’ailleurs jugée sévèrement pour ses traits de pinceau trop visibles laissant apparaître le geste du peintre, et les bouts de toiles qu’elle laisse apparents. Malgré cela, elle reste une artiste d’avant-garde incontournable à cette époque, défendue et appréciée par les plus grands, comme Zola ou Mallarmé. En 1887, elle est invitée à participer à une exposition à Bruxelles. En 1892, elle organise sa première exposition personnelle à la galerie Boussod et Valadon à Paris. Aux côtés de ses pairs dont font partie Mary Cassatt et Marie Bracquemond, les deux seules autres femmes du mouvement, elle participe à toutes les expositions des impressionnistes, sauf à la dernière pour raison de santé. Son époux décède en 1892. Tandis qu’elle succombe à une maladie pulmonaire en 1894, à l’âge de 54 ans.
Le style de Berthe Morisot, la plus impressionniste des artistes
La peintre Morisot est considérée comme la plus radicale des impressionnistes. Le critique Paul Mantz, disait déjà en 1877 « il n’y a dans ce groupe révolutionnaire qu’un impressionniste : c’est mademoiselle Berthe Morisot. ». Les sujets qu’elle traite sont pourtant ceux du quotidien, de la vie moderne, familiale, de la villégiature, des jardins, de la mode ou encore du travail domestique. Elle cherche à représenter, l’éphémère, le furtif, l’instantanée. Elle joue avec les frontières du fini et de l’inachevé, de l’esquisse et du tableau, de l’intérieur et de l’extérieur. Elle peint des espaces de transition, vérandas, fenêtres, seuils, afin de flouter les frontières. Elle éloigne la réalité et crée des correspondances entre les sons et les couleurs. Elle joue également sur les lumières et les reflets. Selon la conservatrice Sylvie Patry, la façon de peindre de Berthe Morisot est très gestuelle. Elle impose sa subjectivité, sa présence dans le tableau. C’est ce style qui lui vaudra la reconnaissance qu’elle obtint à son époque et perdure toujours un siècle plus tard, avec sa première rétrospective en France et aux États-Unis.
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